WC et BD

Ne pas déranger. Merci

 

Chacun d'entre nous a ses plaisirs personnels. Parmi les miens, il y a ce que je peux appeler « la défécation instructive » qui consiste à chier en bouquinant. Le meilleur moment pour apprécier pleinement cette activité, c'est juste après un repas et plus précisément juste après la clope d'après manger. La clope favorisant le transit intestinal, on a toujours envie d'aller chier après la clope du midi ou du soir. Ne pouvant pas échapper à la défécation, autant en profiter et consacrer cet instant à quelque chose de constructif et d'utile : la lecture de bédés. Méthode.

D'abord, la lecture dans les chiottes : c'est sacré. Il suffit que l'on me dérange pour me gâcher le reste de la journée. C'est vrai que c'est assez énervant d'être obligé de crier « C'est occupé ! » à l'imbécile qui a la même envie au même moment. De plus, savoir qu'il y a quelqu'un à proximité de la porte est perturbant car cette personne peut à loisir, écouter les boudins qui tombent dans l'eau et les gros pets qui soulagent le ventre.

Il faut maintenant dire un mot sur les désagréments des waters et plus particulièrement sur les rabats en porcelaine. Il n'y a rien de plus désagréable que de s'asseoir sur un rabat froid. Pour y faire face, la solution est de passer après quelqu'un. On profite ainsi de la chaleur qu'il a laissée sur le rabat. L'inconvénient est que l'on profite aussi des odeurs qu'il a laissées et pour peu que ce soit un porc, il reste des traces de merde dans le fond de la cuvette.

Une fois assis, il faut choisir la bonne position. Il y a celle où l'on s'adosse au réservoir ce qui permet une bonne position de lecture sans avoir mal au dos. Le problème est que la chiure ne peut plus descendre car le trou du cul n'est pas assez ouvert. Il faut donc se plier mais pas trop car si l'on va jusqu'à poser le bouquin par terre, on doit pencher la tête et au bout d'un court instant, on a mal au crâne en raison d'une mauvaise irrigation sanguine du cerveau. Il faut donc se plier légèrement, avec les avant-bras qui prennent appui sur les cuisses. Ainsi, on peut tenir un livre ouvert sans aucune difficulté et la chiure s'écoule parfaitement bien. Un léger souci cependant : cette position laisse la trace des bras sur le dessus des cuisses. Si on a un pull, les motifs du tricot sont imprimés sur la peau. En hiver, cet inconvénient n'est pas dérangeant car il est caché par les pantalons. En revanche, en été, si l'on est en short et si l'on nous demande d'où on vient, il vaut mieux dire la vérité, nos jambes nous trahissent à coups sûr. Enfin il faut prévenir qu'avec cette position d'appuis des bras sur les jambes, il y a un risque de fourmis dans les pattes et ce n'est pas très agréable. Elles peuvent faire très mal à tel point que parfois, on ne peut plus poser le pied au sol.

Maintenant que la position est bonne, il faut choisir un bon bouquin et une bédé fait parfaitement l'affaire car c'est facile à lire. Il ne faut pas oublier que nous sommes venus pour chier et il est impératif de se concentrer à pousser aux moments les plus opportuns. Un conseil : si vous avez la chiasse ou si vous êtes constipé, abandonnez toute idée de lecture... même une bédé. Si c'est trop mou, vous serez tellement soulagé de vous vider qu'il faut apprécier à sa juste valeur ce moment de bonheur. Si vous chiez un gros colombin super dur, concentrez-vous sur la douleur provoquée par le déchirement de l'anus, une douleur brûlante qui fait oublier tout le reste et qui fait pleurer les yeux. Pour lire en chiant, il faut sortir des cacas normaux, c'est-à-dire ni trop durs, ni trop mous.

Perso, pour que je puisse profiter toute ma vie de ces instants de plaisir intense, j'ai une idée super que je mettrai en application quand je ferai construire une grande maison pour y abriter ma femme et mes enfants. J'installerai, dans mes chiottes, une immense bibliothèque où il n'y aura que des bédés. Toutes les bédés du monde seront dans mes chiottes pour que je puisse les lire tranquillement avec une merde au cul. Enfin ces chiottes là seront insonorisées avec du béton armé pour que je puisse faire tomber paisiblement mes boudins dans l'eau.

 

25 avril 1997